LETTRES DE SICILE
un architecte belge à Palerme
1919-1921
"Lorsque Carmine annonça qu’il avait des cousins du côté de Mondello et qu’il allait leur rendre visite, Babs imagina de joyeux ébats au soleil, le sable, l’eau claire et une bouée au loin vers laquelle nager. (...) Babs insista. “Mondello, c’est bien au bord de la mer, non ?”. Et Carmine avait ri en disant que d’après ce qu’on lui avait raconté les Siciliens n’allaient à la mer que pour manger."
Edmonde Charles-Roux, Oublier Palerme.
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Sicile, septembre 1919. Un jeune architecte bruxellois, Lucien François, débarque au port de Palerme. Il vient de signer un contrat avec la Société belge des Tramways de Palerme qui édifie la nouvelle station balnéaire de Mondello. Durant deux ans, Lucien et son épouse Lia, une artiste-peintre, correspondent avec leurs familles. Ils parlent de choses vues en Sicile, comparent le coût de la vie, s'essaient à la gastronomie locale, commentent les grèves et la montée du fascisme, s'émeuvent du travail des enfants dans les mines, relatent leurs excursions, la progression des chantiers, leurs rencontres professionnelles ou amicales, mais aussi leur nostalgie, leurs ennuis de santé, leur crainte d'être oubliés en Belgique, et leurs espoirs secrets… Autodidacte passionné issu d'un milieu modeste, Lucien François ne sait pas encore que son expérience sicilienne lui ouvrira les portes d'une grande carrière à son retour au pays. Sur base d'une correspondance inédite, de documents rares et de photographies prises par l'architecte lui-même, Alice Verlaine Corbion reconstitue ici l'époque troublée de l'après-Première-Guerre mondiale et nous plonge dans l'intimité d'un jeune couple d'artistes expatriés. ----------------------------------------- Auteur : Alice Verlaine Corbion Format : 19x14 cm Nombre de pages : 228 pages Relié Illustré Poids : 0,350 Kg Prix : 24€ ISBN : 978-2-87143-324-8 AAM Editions PARUTION : avril 2017 "Errez dans une ville où la rêverie est cohérente (...) Suivez la 5e avenue en spécialiste de l’évasion... La tête inquiète, dites-vous : “Je veux de l’inutile, du majestueux, je veux des bustes en marbre sur des façades lépreuses, je veux des rues où on s’égare, un labyrinthe, un dédale, les chansons hurlées de mon quartier et les bars grands ouverts, je veux des dieux à triple visage et des allégories aux carrefours, je veux les ruisselantes fontaines des pays de l’eau rare, je veux de l’inexplicable, de la légende et des dragons, de vastes jardins et des gerbes d’étoiles, je veux Palerme...”
Oublier Palerme - Edmonde Charles-Roux - 1966. #Palerme #Sicile #Charlesroux « Tâche surtout ma petite chérie de voir Rome, je serais vraiment triste si tu devais revenir après avoir habité 11 mois l’Italie et ne pas avoir vu Rome […] Il faut tâcher de voir cela quitte à employer les 70 lires à cela et ne rien du tout acheter en fait de cadeau. N’apporte absolument rien, ni pour moi ni pour maman, ni même pour Emile, ce n’est pas nécessaire d’apporter des cadeaux pour personne quand il faut vous priver pour cela de voir Rome. »
Lettre de Fanny à sa soeur Lia Heylighen, artiste-peintre, qui épousera Lucien François en 1920 et partagera un an durant sa vie à Palerme avant de revenir s'établir avec lui en Belgique. COMMANDER Lettres de Sicile ? >>> SUR AMAZON (EXTRAIT DE L'ENQUÊTE) Comme nombre d’autres jeunes garçons entrés vers 14 ans, après le certificat d’études, dans un bureau d’architecte, Lucien François ambitionne de s’élever culturellement et socialement et de gagner, à force de travail, une reconnaissance professionnelle et matérielle. Pour y arriver, les dessinateurs font corps, organisent des cours entre eux, suivent des conférences, s’inscrivent à des clubs artistiques, participent à des réunions, organisent des expositions, font des excursions et publient des petites revues (La Pointe Sèche, Quand Même !!., Le Rat Mort...) dans lesquelles ils critiquent l’enseignement, la Société Centrale d’Architecture et les patrons d’agence. Ce déploiement d’énergie est à mettre en parallèle avec le fait que ces jeunes architectes se forment sur le tas, dans les agences, en suivant à la carte des cours du jour et du soir durant leur temps libre et à travers une auto-formation partagée avec les amis, et qu’il ont à prouver devant les architectes chevronnés que cette formation vaut bien celle obtenue via une formation d’ingénieur à l’Université, un cursus à l’Académie des Beaux-Arts ou dans une école Saint-Luc. Le milieu est similaire à une levure, un ferment d’idées où se mêlent les espoirs et les frustrations d’une génération dont la solidarité dépasse le cadre des agences. Les plus ambitieux de ces jeunes hommes entendent s’élever dans la hiérarchie sociale et professionnelle par l’entraide mutuelle, notamment à travers les cours et les conférences qu’ils organisent entre eux, les petits journaux qu’ils éditent à compte d’auteur, les conférences auxquelles ils assistent, les excursions, les visites d’expositions, la pratique du sport... Dans ce groupe, Lucien François se démarque comme l’un des architectes les plus avides d’échanges et de connaissances.
...Tout un monde basé sur l’émulation, qui disparaîtra progressivement - et qui n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir. COMMANDER Lettres de Sicile ? >>> SUR AMAZON « Nous avons fait une promenade en barquette le soir pour voir la ville illuminée de loin. C’est très émotionnant de se trouver parmi les pêcheurs qui pêchent à la lanterne ou plutôt au projecteur dont ils projettent les rayons dans l’eau pour pouvoir saisir le poisson à l’aide d’une pique […] Nous allons très bien tous les deux et mangeons souvent des gelates [sic], ce sont les ultimes gelates donc on les sirote. […] nous profitons des derniers jours pour aller à Mondello prendre force bain, car il ne fait pas terrible en ville et nous nageons dans un bain de transpiration permanente […] Ici toutes les robes légères viennent à point et ce qui est léger est encore trop chaud. Le soir il fait très bon partout. Il y a concert terrasse devant le Politéama, derrière l’aigle au Massimo et à l’Italia sans compter les innombrables feux d’artifices qui ne manquent pas de nous tenir éveillés jusqu’à 1h du matin. Tous les dimanches il y en a un en ville […] Nous avons acheté quelques petites antiquités, pas grand chose, car le moindre objet va de suite de 500 à des 1000 lires, donc nous formons une petite collection de vieilleries authentiques datant de 2 à 3 mille ans. »
Lettre de Lia Heylighen à sa mère et sa soeur, Palerme, 1920. COMMANDER Lettres de Sicile ? >>> SUR AMAZON Ignazio Florio Jr. (1869-1957) est l’héritier d’une dynastie palermitaine fondée par son grand-père, Vincenzo Florio Sr. (1799-1886). L’empire commercial dont les Florio tirent leur fortune considérable comprend notamment l’exploitation de vignes et le commerce du vin Marsala, du sel et des épices et de lignes maritimes. Actif dans le domaine bancaire, directeur de L’Ora, le principal quotidien sicilien, et gestionnaire des chantiers navals de Palerme (dont le chantier de modernisation entraînera sa ruine au début du XXème siècle), Ignazio Florio Jr. possède en outre de somptueuses villas (Villa Igiea, Tonnara Florio), divers usines et entrepôts et le théâtre Massimo de Palerme qu’il ambitionne de faire rivaliser avec l’Opéra de Paris. Il épouse en 1893 la baronne Franca Jacona Notarbartolo di San Giuliano (1873-1950) dont le peintre Boldini a donné un célèbre portrait. Palerme est alors surnommée Floriopolis et les jeunes gens forment l’un des couples les plus célèbres de l’époque, à l’image du couple de Noailles en France.
L’autre grande fortune palermitaine des années 1900 est Joseph Whitaker (1850-1936), entrepreneur et ornithologiste anglo-italien actif dans le commerce vinicole et les activités bancaires, qui fit construire à Palerme en 1886-89 la Villa Malfitano. Philippe Godoy, dans son essai Le Guépard ou la fresque de la fin d’un monde, dépeint les contrastes étonnants du Palerme de 1900-1910 : Il existait une société qui faisait de la Sicile un exceptionnel carrefour culturel et mondain. Il n’est pas exagéré de dire que Palerme a connu, comme à Paris, la Belle Epoque, autour d’une famille d’industriels-armateurs, les Florio, amis [notamment] des Tomasi de Lampedusa. Sous l’impulsion des Florio, la Sicile devint la terre d’accueil privilégiée de l’empereur d’Allemagne, des souverains anglais, de nombreuses personnalités internationales, éblouies par l’art de vivre de la haute société sicilienne. Mais la prospérité apparente, autour des Florio et des familles d’origine anglaise [...] se révèle très fragile dès la veille de la première guerre mondiale. D’une part, le gouvernement de Rome et les industriels du Nord prennent des mesures draconiennes, avec les banques, pour limiter cette expansion économique impressionnante. D’autre part, les initiatives de ces familles pour créer des emplois et assurer des conditions de vie meilleures à leurs ouvriers, se heurtent au poids des traditions : les crèches et les cantines restent vides. La misère continue de régner dans les quartiers du centre de Palerme, autour de palais majestueux. La petite bourgeoisie est [quant à elle] encore minoritaire. En 1910, le golfe de Mondello avait fait l’objet de l'une des plus grandes campagnes de promotion touristique de l’époque, organisée par Vincenzo Florio, dont la fortune familiale était sur le déclin, pour promouvoir la Semaine de l’Aviation, événement célébrant le cinquantième anniversaire du débarquement de Garibaldi à Marsala le 11 mai 1860. Ces festivités avait amené le tout Palerme sur la plage de Mondello et attiré l’attention de la presse internationale. L’année suivante voit le lancement du chantier de l’établissement balnéaire de Mondello, un édifice de style Sécession viennoise orientalisant conçu sur le modèle de la Jetée-Promenade de Nice par l’architecte belge Rudolph Stualker. Installé sur pilotis au-dessus de l’eau turquoise et relié au rivage par un pont-promenade, le bâtiment réalisé en ciment armé doit accueillir, outre les cabines de bains et de vastes espaces de solarium, concerts, conférences et restaurants. Meublé par les créations luxueuses de l’ébéniste Ducrot, il sera inauguré le 15 juillet 1913. (EXTRAIT DE L'ENQUETE) A Mondello, la commune avait accordé, à la fin du XIXème siècle, de vastes terrains en concession aux ingénieurs Ugo Casalis, Antonio Carissimo et Andrea La Porta qui voulaient transformer le remblai de Mondello et l’esplanade de Valdesi en une station balnéaire digne des meilleures stations balnéaires actuelles en Italie, demandant au Maire le concours moral de la commune pour la réalisation de leur programme, surtout en ce qui concerne la concession des terrains de la part du Demanio de l’Etat et de l’administration de la Real Casa, de même que la concession pour la construction et l’exercice des lignes de tramways à traction électrique. A l’époque, Mondello est un territoire relativement isolé que le passage d’un omnibus relie à Palerme deux ou trois fois par jour et l’endroit, marécageux, est réputé insalubre. Des travaux d’assèchement des marais sont entrepris dès 1891, et dans l’article qui paraît à Paris en 1906 dans le mensuel La Sicile Illustrée sous le titre “Un grand plan pour l’avenir de Mondello”, Andrea La Porta, sans doute à la recherche d’investisseurs, présente Mondello comme une plage dont la qualité est supérieure à celle d’Ostende et dont les aménagements rivaliseront avec la Promenade des Anglais à Nice. En 1909, la concession accordée par la municipalité à l’ingénieur milanais Andrea La Porta est transférée à la Société belge des Tramways de Palerme et, deux ans plus tard, le 23 janvier 1911, la Société, surnommée “La Belga”, en son représentant et principal actionnaire Paul Mouton, et le Regio Commissario de Palerme, signent devant le notaire la convention selon laquelle la Société s’engage à fournir l’énergie pour les services publics et privés de Mondello et des alentours et à construire le réseau de tramways électriques qui relieront la Palerme populaire à la nouvelle zone balnéaire. La concession d’exploitation des terrains et des transports est conclue pour une durée de 50 ans. Aux territoires de Mondello et Valdesi seront ajoutés ceux de Giusino, Mattei et Timiere, tous considérés comme des terres de peu de valeur du fait de leur grandes distances au centre-ville de Palerme et de la Villa Igiea, ce lieu de villégiature de luxe, conçu par l’armateur palermitain Ignazio Florio jr. à l’aide de l’architecte Ernesto Basile, et qui est alors, depuis une dizaine d’années, un centre balnéaire très prisé par l’élite européenne.
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Sicile, septembre 1919.
Un jeune architecte bruxellois, Lucien François, débarque au port de Palerme... Sur base d'une correspondance familiale inédite et de documents d'époque, l'aventure sicilienne de Lucien François, appelé par la suite à une grande carrière d'architecte et d'enseignant en Belgique, a pu être reconstituée. Cette enquête dans les pas de Lucien François est aussi l'occasion de comprendre ce qu'était l'état d'esprit d'un jeune Bruxellois d'origine modeste, autodidacte, passionné, idéaliste, plongé dans les tourments de l'après-première Guerre mondiale et de la naissance du fascisme. Un voyage inédit dans l'espace et dans le temps en compagnie de l'un des plus talentueux architectes belges du XXe siècle. Lettres de Sicile - cover.
Lucien François à Palerme, 1920.
Lettre de Lucien François, 1919.
Sicile, photographie de Lucien François, 1920.
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Octobre 2017
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Billet d'entrée pour le spectacle du transformiste Fregoli.
Lucien François à l'époque où il obtient son brevet d'ambulancier.
Lucien François, dessinateur de génie.
Course automobile, 1908, Sicile.
© Alice Verlaine Corbion - 2017.
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© Alice Verlaine Corbion - 2023
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